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Lait à l'herbe, le modèle néo-zélandais Une adaptation possible sous condition

Dans l’île du Nord de la Nouvelle-Zélande, le climat subtropical autorise une alimentation 100% à l’herbe sans bâtiments, bien loin de nos conditions qui correspondent davantage à l’île du Sud, c’est-à-dire avec une phase d’hivernage dans des bâtiments pensés à l’économie.

L’adoption du modèle pâturant économe néo-zélandais est possible sous nos latitudes, avec cependant deux principaux facteurs limitants : l’accessibilité et l’organisation de la filière française.

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C’est à partir des années 1980, lorsque les subventions à l’agriculture ont été supprimées, que les éleveurs laitiers néo-zélandais ont dû faire évoluer leurs pratiques afin de renforcer leur efficacité économique. Avec un lait à 150 €, ils ont alors misé sur les vêlages groupés, le pâturage tournant, la qualité des taux pour renforcer ainsi leur compétitivité, à la fois grâce à la baisse des coûts et à une grande productivité du travail (600 000 litres par UTH). Depuis quinze ans, ce modèle inspire les pratiques herbagères en Irlande ou au Pays de Galles.

Le déclic vient des îles britanniques

« Plus que le modèle néo-zélandais, on peut aujourd’hui parler du modèle irlando-néo- zélandais. Car c’est sur les fondements développés en Nouvelle-Zélande que l’Irlande a su multiplier sa production laitière par deux et c’est aujourd’hui dans ce pays que le système apparaît le plus abouti », explique André Le Gall, responsable technique et environnement d’Idele.

C’est d’ailleurs souvent à l’occasion de voyages thématiques organisés dans les îles britanniques que des éleveurs français font le choix de basculer vers ces pratiques : « J’y ai rencontré des éleveurs qui gagnaient leur vie avec un prix du lait au niveau du cours mondial, en travaillant moins que moi », témoigne François Blot, éleveur mayennais, après un voyage organisé au Pays de Galles par PâtureSens. La société de conseil est précurseur dans la vulgarisation en France des techniques venues d’Océanie. Elle est surtout présente dans le Grand Ouest, où une dizaine de conseillers proposent du suivi individuel ou collectif, de la formation et de l’accompagnement de projet. « L’adaptation en France de ce modèle herbager est possible à chaque fois que les conditions sont favorables à une pousse de l’herbe régulière, ce qui correspond plus ou moins à la bordure littorale du Grand Ouest », estime André Le Gall. Sous nos latitudes, la limite la plus évidente est liée à la sécheresse estivale. « Il y a bien sûr des différences climatiques qui auront forcément une incidence sur les performances, concède Sean Chubb, conseiller pâturage au Pays de Galles pour l’entreprise de sélection LIC. Mais à chaque fois que l’on augmente la part d’herbe pâturée, cela contribue à baisser le coût de la ration. Dès que cette part dépasse 50 %, la baisse de coût alimentaire s’accélère. » Dans des conditions plus séchantes, le passage à un système davantage herbager ne peut s’envisager qu’en réduisant le chargement global.

Un système réservé aux parcellaires regroupés

L’exemple de la ferme du lycée de Nancy-Pixérécourt en Lorraine montre que l’adoption d’un système herbager est possible, même sous un climat plus continental. Ici, des vaches croisées jusqu’à 5 voies, avec des vêlages programmés entre le 15 septembre et le 15 mars pâturent de six à huit mois selon les années. « Il faut rester cohérent, c’est-à-dire accepter de ne pas toujours faire sa référence et prévoir des stocks de report conséquents pour la stabilité des effectifs, souligne son directeur, Jérôme Joubert. Ces cinq dernières années difficiles ont montré que l’on pouvait maintenir l’EBE dans ce système. »

La première condition consiste bien sûr à avoir une surface accessible suffisante. Au printemps, le minimum de 25 ares par vache pour une alimentation tout herbe reste de mise. Cette surface est découpée en paddock d’un jour : c’est le pâturage tournant dynamique. « Sur cette base, il faut ensuite monter en compétences et surtout oser se lancer, plaisante Guillaume Baloche, conseiller PâtureSens. Il faut en effet prévoir une période d’adaptation à cette nouvelle façon de travailler, autant pour les animaux que pour les hommes. Un éleveur me disait qu’il faut d’abord ouvrir les barrières dans sa tête, avant d’ouvrir celles des vaches. »

Pas de place pour les vaches infertiles

L’idée du paddock de vingt-quatre heures est de maximiser la valorisation de la biomasse, avec des repousses homogènes et un minimum de refus. Le rythme de passage est défini par la pousse de l’herbe et les temps de repos nécessaires à l’élaboration du stade 3 feuilles : entre dix-huit et vingt jours au printemps. Cette approche suppose des investissements pour allonger la saison de pâturage y compris en périodes humides, en premier lieu les chemins d’accès. Dans ce système, les vêlages sont groupés en sortie d’hiver.

Miser sur la fertilité des vaches croisées

Ainsi, la mise à la reproduction correspond à la valeur optimale de l’herbe, soit environ quatre-vingt-dix jours après le début des vêlages. Pendant six à sept semaines, les vaches sont inséminées. Les retours sont souvent assurés par le taureau mis dans le troupeau pendant encore six semaines. Soit une période de reproduction de douze à quatorze semaines. Pour ne pas décaler les vêlages, les vaches vides sont systématiquement réformées. Seules les génisses issues d’IA sont conservées pour le renouvellement (20 %), c’est-à-dire les génisses issues des vaches les plus fertiles. « Dans ce système, l’important n’est pas tant le taux de réussite en première IA, mais le taux de ges­tation à six semaines. »

© J.Pezon - La vache Kiwi est "la seule vache avec la jersiaise capable de produire plus de matière utile que son poids vif", indique Thierry Lamanda, représentant de la société Progènes, distributrice de la génétique kiwi cross en France, notant que, depuis cinq ans, la demande pour la génétique NZ augmente de 20% par an.

Le choix du croisement deux voies kiwi (frison x jersiais) consiste notamment à bénéficier de l’effet hétérosis pour renforcer la fertilité. Ces vaches de petit format, mieux adaptées au pâturage, sont aussi sélectionnées sur l’ingestion et l’efficacité alimentaire.

Il n’y a pas d’étude française sur la kiwi (1). Cependant, une étude menée pendant sept ans à la ferme expérimentale de Trévarez (Ille-et-Vilaine) valide l’intérêt du croisement pour améliorer la fertilité. « Les essais montrent clairement les meilleures performances de reproduction des vaches croisées dans un système bio très pâturant, par rapport aux holsteins, indique Guylaine Trou, chargée d’études à la chambre d’agriculture de Bretagne. La part des vaches non vues en chaleur est tombée de 27 % à 5 %. Ainsi, la période d’insémination a pu être réduite de trois à deux mois. Comparé au croisement deux voies, le 3 voies (c’est-à-dire avec 3 races) bénéficie davantage de l’effet hétérosis. Dans tous les cas, il est de 100 % sur les premières générations et se stabilise ensuite à 86 % en moyenne, contre 67 % en croisement deux voies. »

Cette étude révèle aussi l’ampleur de la baisse de production chez les vaches croisées : les premières générations holstein x jersiais ont produit 3 813 kg de lait en première lactation, contre 4 122 kg pour les holsteins. C’est surtout en hiver, avec une ration pas toujours équilibrée en azote, que l’écart se creuse : 12,1 litres par jour contre 16,1 l/j pour les holsteins. Mais l’étude confirme que les vaches croisées valorisent bien le pâturage : « À l’herbe, elles produisent autant que les holsteins, c’est-à-dire 17,3 l/j en moyenne. »

Besoin de plus d’animaux pour faire le volume

Il faut donc avoir à l’esprit que pour produire le même volume, il faut plus d’animaux. « Il s’agit d’un changement d’approche qui consiste à se focaliser davantage sur la production à l’hectare que sur la production par vache. Ce qui importe, c’est la valorisation de la production fourragère par hectare », rappelle Guillaume Baloche. L’exemple d’Étienne Breillot montre qu’un élevage conventionnel, avec des vaches à plus de 8 000 litres est possible en conservant deux périodes de vêlage, tout en adoptant le pâturage tournant pour réduire ses coûts, « un peu sur le modèle déjà développé par André Pochon », souligne l’éleveur.

Le décalage d’une partie des vêlages du printemps vers la fin de l’été pourrait être une adaptation possible en France.

« Cela amène à tarir une partie du troupeau lorsque la pousse est à l’arrêt, avec une reprise des vêlages à un moment où il fait frais, avec de l’herbe de qualité », indique Guillaume Baloche. Garder deux périodes de reproduction est aussi un moyen d’apporter de la souplesse et de limiter les réformes pour infertilité (et donc le besoin de renouvel­lement) : les vaches n’ayant pas pris au printemps continuant leur cycle pour une mise à la reproduction à l’automne.

(1) Dans son pays d’origine, la kiwi affiche une moyenne de 4 426 litres de lait, à 50,1 de TB et 39,5 de TP, avec 300 kg de concentrés, un IVV de 369 jours. La kiwi Cross n’est pas une race stabilisée, mais une marque de la coopérative de sélection néo-zélandaise LIC. Elle n’est pas reconnue par le ministère de l’Agriculture en France. Les doses kiwi ne sont donc pas disponibles.

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